Infos pratiques

Mon expérience sur le TGV-Est m’avait amené à construire une réflexion sur ce que pourrait être le travail d’un géoarchéologue pour une intervention idéale (ou utopique).

Cette phase constitue une partie essentielle du travail en géoarchéologie. Elle permet d’opérer une analyse documentaire, de définir des problématiques et de planifier les interventions.

Pour caractériser les contextes environnementaux actuels du futur secteur d’étude, il est nécessaire de pouvoir disposer d’un ensemble de sources documentaires. Les sources cartographiques donnent des informations variées (cartes topographiques, géologiques, pédologiques, de végétation, anciennes), elles peuvent être complétées par des sources photographiques (aériennes, satellites) et bibliographiques (études diverses, base de données du BRGM, etc.)

L’ensemble de ces informations permet d’élaborer des programmes d’interventions réfléchis, mettant en lumière à la fois les zones intéressantes d’un point de vue paléoenvironnemental, mais permet également de pointer les secteurs difficiles d’un point de vue technique (zone de fond de vallée, fort recouvrement sédimentaire,…)

Les modalités d’intervention de terrain peuvent ainsi être planifiées ce qui permet d’envisager les analyses à entreprendre. Cette phase préliminaire offre un réel avantage pour préparer les activités de terrain et de laboratoire en particulier dans la gestion du temps d’intervention. Par exemple les divers secteurs à fort recouvrement sédimentaire peuvent dès lors être privilégiés par rapport aux secteurs où une mauvaise conservation des sites est avérée (pente forte, zone de labour entamant le géologique,…). La prévision des analyses permet à l’avance de les budgétiser et d’envisager diverses collaborations à financer ou à mener en partenariat (les « analystes » ont toujours des calendriers très chargés).

Ce premier travail d’analyse documentaire pourrait être accompagné d’une part d’une phase de pré-diagnostic avec la mise en œuvre de carottage léger à la tarière pour préparer les interventions en sondage mécanique (surtout pour les zones de fortes accumulations sédimentaires). Ce qui permet de préparer des interventions techniquement difficiles et de prévoir le matériel approprié, ainsi qu’un calendrier en fonction des contraintes environnementales (période d’étiage, gel, réserve naturelle, migration, etc.) D’autre part, une réflexion sur les modes d’enregistrement et de gestion des données doit être menée dès cette phase préparatoire. La conception de bases de données permet de prévoir et d’organiser au plus tôt la gestion des prélèvements et des résultats obtenus (archivage, stockage, etc.) Le suivi des échantillons qui seront distribués aux différents spécialistes demande une organisation rigoureuse et il est important de prévoir l’enregistrement des résultats en fonction des disciplines. La mise en œuvre précoce d’un système informatisé de gestion des prélèvements permet, outre un gain de temps non négligeable pendant les phases suivantes, une homogénéité dans les étiquetages. Elle est également l’occasion de réfléchir aux modes de prélèvements et à l’élaboration d’instructions destinées aux fouilleurs (protocole, encodage, enregistrement.)

Cette phase peut se révéler primordiale dans l’acquisition de données paléoenvironnementales. Pour les secteurs stériles du point de vue de l’archéologie c’est le seul moment où des informations sont accessibles pour les observations et examens paléoenvironnementaux.

Seul un géoarchéologue est à même de pouvoir expertiser ces terrains et de faire le cas échéant des échantillonnages conservatoires pour des secteurs sur lesquels une intervention future ne sera plus possible. Ces informations n’apparaissent pas à priori intéressantes, elles semblent au premier abord anecdotiques et diffusent. De plus seules des analyses permettent de révéler leur intérêt. Elles peuvent cependant se révéler primordiales dans la compréhension de l’évolution des paysages, elles s’insèrent dans le réseaux des données permettant l’analyse de ces évolutions sur de plus grands secteurs géographiques, voire dans la compréhension des changements climatiques globaux (la recherche actuelle sur ces derniers arrive à un seuil de résolution et de modélisation qui ne pourra être dépassé que par la confrontation et l’intégration d’un nombre grandissant de données locales).

Dans le cas de mise au jour de sites archéologiques, l’apport du géoarchéologue, dès la phase de diagnostic concerne l’analyse du contexte stratigraphique et l’évolution taphonomique. Ceci permet avant tout décapage de grande ampleur d’appréhender l’évolution stratigraphique et la taphonomie du site. « D’orienter l’acte premier de destruction du site » qui consiste à enlever la terre dite végétale qui peut dans bien des cas se révéler être la couche archéologique fortement perturbée par l’agriculture moderne. De donner également un premier découpage stratigraphique. De permettre de bien repérer le géologique (dans certains cas les niveaux géologiques par leur faciès ressemble fortement à des dépôts récents, dans d’autres cas des dépôts récents peuvent être confondus avec le géologique.) Le travail du géoarchéologue à ce moment de l’intervention sera de commencer à construire le schéma stratigraphique séquentiel lui permettant de mettre en lumière les lacunes de sa séquence et de commencer à appréhender les secteurs où des réponses à ces lacunes seront susceptibles d’être trouvées.

La confrontation du géoarchéologue avec le terrain peut également être source de réflexion concernant l’état actuel de la surface topographique. Il pourra préconiser des relevés microtopographiques avant décapage. Pour la compréhension des évolutions sédimentaires et pédologiques, il est important d’avoir des informations sur l’ensemble de la séquence stratigraphique. Les horizons supérieurs portent en effet des informations indispensables.

Les interventions de diagnostic mettent également au jour des information susceptibles d’intéresser d’autres communautés scientifiques que la notre (géologie, géographie, pédologie,…). Les informations géologiques sont de ce point de vue exemplaire. Quand on sait que les cartes géologiques ne peuvent être relevées qu’à la faveur de rares affleurements (bord de route, carrière, carottage ponctuels,…), on comprendra l’intérêt de nos sondages systématiques et de nos décapages importants. Ne pouvons nous pas faire profiter de ces informations les communautés scientifiques concernées ?

Avant le décapage le responsable d’opération et le géoarchéologue doivent se mettre d’accord sur la position de coupes de références. Ils doivent également avoir réfléchi à la mise en place de protocoles d’échantillonnage en fonction de problématiques bien définies.

Au cours de la fouille, la disponibilité du géoarchéologue est nécessaire pour répondre d’une part aux interrogations des fouilleurs et d’autres part pour construire ou compléter son schéma stratigraphique. Le travail entre l’archéologue et le géoarchéologue est un dialogue continu tout au long des opérations de fouilles : la réflexion de chacun se nourrissant des réponses et des questionnements de l’autre. Le point de vue du géoarchéologue s’avère complémentaire pour l’organisation et le déroulement de la fouille.

La plupart des prélèvements pour les analyses vont être effectués pendant cette phase. Il est nécessaire de les organiser avec l’équipe de fouille. Leur traitement par tamisage ou flottation devrait être fait le plus tôt possible, afin d’éviter des volumes de stockage important et des problèmes de détérioration (séchage, moisissures,…). Les prélèvements pourront être, en outre, envoyés le plus tôt possible aux spécialistes. Il faut par conséquent que du temps et des stations de tamisage et de flottation soient prévus.

Le géoarchéologue fournit le canevas stratigraphique sur lequel s’appuient les autres études. Par cette position centrale, il doit être l’organisateur des échanges entre les acteurs des différentes disciplines.

L’acquisition des résultats pouvant être très longue, il doit avoir une disponibilité à très long terme. Le travail de synthèse ne pouvant se faire avec l’archéologue qu’une fois toutes les analyses achevées et les données acquises.

Les bases de données constituées lors de la phase préparatoire et nourries lors des différentes autres phases (diagnostic, fouille, analyses, post-fouilles) pourront être intégrées facilement dans des systèmes plus ambitieux de gestion de données comme par exemple les systèmes d’information géographique (SIG).

Nous pourrions encore rajouter deux phases pour la publication scientifique et la valorisation et la sensibilisation du grand public.

Henri-Georges NATONᅠ: La géoarchéologie consiste en l'étude des contextes sédimentaires et géomorphologiques des sites archéologiques. La géoarchéologie est une discipline à la jonction de plusieurs domaines scientifiques, les sciences de la Terre (géologie), les sciences du sol (pédologie), la géographie (géomorphologie) et l'histoire (archéologie). Par son interaction avec les disciplines d'études des paléoenvironnements, il est également nécessaire au géoarchéologue de connaître les disciplines des sciences de la vie appliquées à l'archéologie (palynologie, anthracologie, archéozoologie, carpologie, malacologie,...).

Henri-Georges NATONᅠ : Après un bac scientifique, je me suis orienté sur un cursus sciences de la Vie et de la Terre à l'Université de Savoie. Je suis titulaire d'une maîtrise de géologie fondamentale de l'Université de Grenoble. Après deux années d'objection de conscience au Musée Dauphinois à Grenoble, j'ai pu intégrer le DEA « Environnement et Archéologie » option géoarchéologie à la Maison de l'Archéologie et de l'Ethnologie de Nanterre et à l'Institut National Agronomique Paris-Grignon. J'ai commencé une Thèse à Paris 1, mais pour des raisons diverses je l'ai abandonnée en deuxième année.

Henri-Georges NATON : Quand on utilise les techniques des disciplines des sciences de la Terre, des sciences du sol ou de la géographie dans le cadre de l'étude d'un site archéologique.

Henri-Georges NATON : Il n'y a pas vraiment de journée-type pour un géoarchéologue. En fonction des différentes phases de son travail, il va avoir à passer plusieurs jours sur le terrain, puis plusieurs jours au laboratoire et enfin beaucoup de temps devant son ordinateur pour finaliser les études.

Henri-Georges NATON : Je travaille essentiellement dans le Nord-Est de la France et au Grand-Duché de Luxembourg. Il m'est arrivé ponctuellement de travailler dans des pays plus lointains (Syrie).

Henri-Georges NATON : Mon principal outil de travail est une truelle, j'utilise aussi sur le terrain, une loupe, un marteau de géologue, une boussole à clinomètre, un appareil de photo … Pour le laboratoire, il m'arrive d'utiliser des microscopes, du matériel de laboratoire et évidement un ordinateur au bureau.

Henri-Georges NATON : Les principales contraintes sont liées aux conditions météorologiques lors des interventions de terrain. Le temps souvent très restreint des interventions est aussi une contrainte.

Henri-Georges NATON : Oui, il faut avoir un bon dialogue avec les archéologues pour lesquels on travaille et également avec les autres spécialistes des sciences naturelles appliquées à l'archéologie pour les synthèses.

Henri-Georges NATON : Les qualités requises pour la géoarchéologie sont avant tout une grande rigueur dans la collecte des données sur le terrain, une capacité à écouter et à dialoguer avec les archéologues et à comprendre leurs problématiques, et un esprit de synthèse. Les compétences indispensables sont de bonnes connaissances en science de la Terre, en science du sol et en géographie. Il faut également connaître les principales autres disciplines archéonaturalistes et surtout leurs protocoles d'échantillonnages, car c'est souvent le géoarchéologue qui se retrouve en position de décider et de faire ce type de prélèvements.

Henri-Georges NATON : Les problèmes que j'ai rencontré lors de ma carrière, ont surtout été un manque de prise en compte de ma discipline lors du montage des opérations par les coordinateurs. J'ai souvent été confronté à une absence de programmation et de concertation dans l'organisation du travail de terrain. Il est souvent arrivé que mes contrats de travail ne soient pas adaptés à la réelle durée des études. Depuis que je suis indépendant je peux plus facilement donner mon point de vue sur le calendrier des opérations tant de terrain que de laboratoire ou de rédaction. Participant souvent pleinement au montage des opérations, je peux vraiment faire mon travail dans de bonnes conditions.